LA CHAUDIÈRE BRÉSILIENNE, par François Leclerc

Billet invité.

Le procureur général Rodrigo Janot a hier demandé à la Cour suprême l’ouverture de 83 enquêtes contre des ministres et des parlementaires, sans dévoiler les noms des personnes visées. Sa requête s’appuie sur des accords de collaboration – dits de « délation récompensée » (par des remises de peine) – avec des cadres des grandes entreprises du BTP accusées de truquer les marchés publics de la compagnie pétrolière Petrobras.

211 autres demandes d’enquêtes ont été émises auprès d’autres instances judiciaires que la Cour suprême : tribunaux de première instance ou Tribunal supérieur de justice, dépendant de la fonction de ceux qui en sont l’objet. Des dizaines de chefs d’entreprise et de personnalités politiques sont déjà inculpées ou emprisonnées. Dans sa requête, le procureur général a demandé que le secret judiciaire soit levé, au nom de la « transparence et de l’intérêt public », afin que tous les noms soient rendus publics. Une décision est attendue.

L’opération « lavage express » engagée par les magistrats a déjà révélé que les surfacturations de Petrobras par les entreprises du bâtiment, d’un montant de 1 à 5 %, ont représenté au Brésil environ deux milliards de dollars et ont servi à financer les partis politiques de tous bords. L’affaire a pris une autre dimension encore lorsqu’a été révélé que les procureurs généraux de 15 pays d’Amérique latine se sont réunis à Brasilia, sous la présidence de Rodrigo Janot, pour échanger leurs informations sans rompre le secret de l’instruction, car les entreprises brésiliennes du BTP sont actives sur tout le continent.

Des informations incriminant des proches collaborateurs du président Michel Temer, qui a pris la succession de Dilma Rousseff après sa destitution controversée, ont cependant fuité dans la presse. Le mouvement « Vem Pra Rua ! » (« sors dans la rue ! ») a appelé à manifester « contre l’impunité » le 26 mars prochain. En mobilisant des millions de personnes, il avait contribué à la chute de Dilma Rousseff en 2016. À quoi aboutira-t-il cette fois-ci ?

La corruption est une des composantes de base de l’activité politique au Brésil, une profession à part entière. En tournée en Europe, Dilma Rousseff lance le projet d’une nouvelle candidature de Lula en 2018, car il serait le seul en mesure de rompre avec cette situation selon elle. Est-ce vraisemblable, à considérer ses deux mandats ? Pour les classes moyennes, c’est peu probable, mais pour les plus déshérités, c’est une question secondaire. Mais il faudrait renouer avec la fibre de la démocratie participative pour l’étendre à tout le pays et l’approfondir. Cela ne se décrète pas et doit être impulsé.